dimanche 26 septembre 2010

Festival des Granges 2010

Un mois après : flash-back sur la 7e édition du FDG.

On nous a dit « dans une version un peu réduite cette année », car tout se passe dans la grange, sans chapiteau extérieur. Réduite, n'en croyez rien : par la taille, peut-être, mais pas par la qualité, loin s'en faut ! Si la grange-salle de concert accueille moins de public que le chapiteau, elle est si bien aménagée et a un si beau décor, que c'est toujours un plaisir pour le public et les artistes d'y venir. Et puis ces concerts, plus acoustiques cette année, ont rivalisé de talent, d'énergie, de vibrations, d'émotions, si bien que me voici encore incapable de choisir pour désigner le plus beau : un très bon cru, cette édition 2010, que j'ai beaucoup aimée. Et je ne suis pas la seule... Que de beaux moments !

Mais reprenons, at the beginning...

Ce 26 août, soirée annoncée « blues, folk et country ». 20h40 : H. Burns ouvre le festival. Sans façon, d'une enjambée, il est sur scène avec sa guitare. Présentation sobre, d'une voix chaude, toute en nuances, ce garçon nous sert un blues bien interprété, sensible, tout ce qu'il faut pour nous mettre dans l'ambiance d'un festival qui a vraiment pris ses marques et son style.


Après une pause (et le passage à la buvette est apprécié par cette chaude soirée d'été), changement de style avec le groupe Chapel Hill : d'entrée, d'emblée, ça déménage, avec un rock tout ce qu'il y a de plus old style, un vrai rockabilly ! Tout y est, rythme, mélodie, chanteur frimeur à voix rauque et pin-up danseuse pour mettre en valeur l'artiste : autant à voir qu'à entendre, à rire qu'à écouter, dans ce début de spectacle qui laisse le public abasourdi, hilare, ravi. Tonnerre d'applaudissements. Mais dès le deuxième morceau, le style change, et ensuite il sera impossible de le qualifier, finalement, car le groupe aux influences variées va du country à la pop en passant par le rock et le folk, en créant son univers, très attachant j'avoue : c'est mon coup de coeur du festival ! Ah, j'allais oublier, la pin-up est en fait une violoniste de talent, sexy et pleine d'humour ce qui ne gâche rien ! La salle est sous le charme et amusée, beau succès pour cette découverte que l'on reverra sans doute dans la région, (chouette !) car si Nathan Symes est originaire de Caroline du Nord, le groupe est basé en Alsace.


Mais on n'a pas encore tout vu !

Arrivent Charlie Fabert, qu'on avait déjà vu et apprécié aux Granges, et Fred Chapelier, immense guitariste de blues et rock : et le duo est une réussite, deux prodiges qui se répondent ; une belle complicité musicale, deux talents à l'état pur, on se régale !

L'ambiance est à son comble et personne ne songe à se coucher, alors la soirée se finit par un boeuf général des deux groupes sur scène, Chapel Hill venu jouer avec le duo !

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Vendredi 27 août : soirée chanson : « chanson » est un peu court pour qualifier l'univers des artistes au programme, parlons plutôt d'«auteurs compositeurs interprètes ». Et ces trois-là sont merveilleux guitaristes, chacun dans leur style : Tom Theuns, Lisa Doby, Nilda Fernandez : du nord à l'ouest et au sud, on va voyager, ce soir...


Fondateur des groupes Ambrozijn (folk flamand tout en finesse) et Aurelia (duo avec une violoniste), Tom Theuns sait aussi chanter et jouer seul, dans un registre plus intimiste : il le fait dans différentes langues et styles, avec beaucoup de talent et d'aisance, et en empruntant chaque fois, me semble-t-il, un timbre différent, tant sa voix a de possibilités, des graves aux tons montant plus dans les aigus. Quelques reprises et des compositions personnelles, dont un instrumental aux accents celtiques, à couper le souffle tellement c'est beau... J'accroche moins au style bossa de quelques titres, mais décidément, cet artiste plein de charme, avec sa silhouette longiligne, ses jambes interminables et son visage de poète, sait tout faire avec sa voix et sa guitare !


Une fille ! C'est rare parmi les artistes de ce festival (comme partout d'ailleurs), et celle-ci est particulièrement remarquée : en douceur tout d'abord, avec des chants gospel et soul, puis peu à peu des rocks de plus en plus rythmés, Lisa Doby occupe la scène avec une présence impressionnante. Quelle voix, quelle expressivité ! Elle est en trio, et bien accompagnée, mais ce sont essentiellement sa voix et sa personnalité qui dominent et emportent la salle, comme une vague d'énergie, de fraîcheur et de talent. Elle fait une reprise d'Eleanor Rigby, une merveille. Je pense à celle de Kristle Warren l'an dernier, même si c'est très différent. Le succès est énorme, le public enthousiaste, en redemande !


La soirée est magique...


J'en connais qui sont venu(e)s spécialement (et de loin, même !) pour Nilda Fernandez. Mais les « premières parties », c'est bien plus que ça, au FDG... Nilda l'a bien senti, depuis les loges, ou je ne sais où il se trouvait en ce début de soirée, le salon des artistes en mezzanine. Il nous le dit en arrivant sur scène : quel menu nous servir, alors qu'on a déjà eu deux excellents repas ? Il nous propose de démarrer doucement. Un concert, ça prend goût peu à peu, avec les ingrédients qu'on y met. C'est comme une paëlla. Cette métaphore gourmande sera le fil rouge du concert : Nilda va nous décliner la recette de la paëlla, étape après étape, tout au long de la soirée, entre les chansons. Il démarre doucement, mais il s'y entend pour poser l'ambiance, par sa voix, son jeu de guitare, la magie des textes et des images, les voyages où il nous mène... Et d'un titre à l'autre, l'émotion prend, la magie opère, le public conquis reprend en choeur certains airs, applaudit en rythme les flamencos endiablés, et retient son souffle pour une écoute au plus près, quand Nilda vient s'asseoir au bord de la scène, presque comme un moment privilégié entre amis dans dans son salon...

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Samedi, dernière soirée : jazz manouche : trois groupes sont invités à rendre hommage à Django Reinhardt à l'occasion du centenaire de sa naissance cette année. Le maître a fait des émules, le jazz manouche inspire !


« Nitchojazz » est un jeune groupe de Meuse, trio de guitaristes accompagné par un contrebassiste. Autodidactes, ils éblouissent par leur virtuosité. Toujours le sourire entre les morceaux, communiquant au minimum, un peu timidement, avec une lecture brève de quelques titres sur un papier, ils assurent quand il s'agit de jouer, et séduisent par leur fraîcheur et leur passion communicative. Un rythme impeccable, un talent déjà sûr, retenez leur nom, ces jeunes-là devraient faire du chemin !


Leur succèdent « Les Doigts de l'Homme » : le groupe avait fait une prestation remarquée, très appréciée, au festival, sous le chapiteau, il y a deux ans, avec leur talent et leur humour. Olivier Kikteff entame le concert en jouant un morceau de guitare solo, en lumière douce, c'est très beau. Puis le groupe s'y associe et laisse éclater sa fougue. Le talent est inchangé mais ils préviennent d'emblée, c'est fini les pitreries sur scène ! N'empêche, il reste un jeu brillant de ce groupe communicatif, plein de complicité et d'inventivité. Succès encore, mérité, le public est enthousiaste !


La soirée se clôture avec Yorgui Loeffler en trio. Ces trois-là parlent peu, ils semblent étonnamment intimidés : il faut dire que la soirée est grandiose, c'est impressionnant de passer après deux groupes aussi bons. Mais aucune inquiétude, ils gagnent le public et leur assurance très vite, avec un jeu virtuose, plein d'habileté et de finesse, très apprécié. Une belle cohérence que cette soirée jazz manouche avec trois styles différents : la salle, réchauffée malgré la fraîcheur atmosphérique, ne s'en lasse pas, et se laisse porter, emportée par le rythme et l'énergie de la musique de Django. Un moment de chaleur précieux en ces temps difficiles pour les tziganes chez nous...

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Dimanche : le festival a un bonus : et quel bonus ! Un concert suivi d'un mini-bal folk en après-midi, avec Marc Perrone à l'accordéon diatonique, accompagné de Marie-Odile Chantran (percussions, voix, vielle à roue). Pas de guitare, pour une fois. Marc Perrone joue de l'accordéon diatonique depuis (presque) toujours, passionné de cet instrument et de ses sonorités. Il a composé de multiples musiques de films et de chansons, et ce qu'il joue évoque des souvenirs de mélodies connues, tendres, familières alors qu'on ne le savait pas. Marc Perrone chante aussi, et raconte, sa jeunesse de fils d'immigrés italiens, son amour de la musique et du partage : à présent atteint d'une maladie invalidante, il communique une joie de vivre impressionnante, c'est un beau moment d'émotion. Sa compagne chante, slame parfois, joue de la vielle et de divers accessoires inattendus pour faire des percussions : objets de la maison, sac plastique froissé... On fait un beau voyage à travers la musique.

Et pour finir en fête le festival, on pousse les chaises et les bancs, et ceux qui savent entrainant ceux qui découvrent, en avant pour un bon moment de bal folk !

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Vous aurez compris qu'il ne s'agissait pas d'une version réduite du Festival des Granges, mais d'une édition particulièrement réussie, d'après les privilégiés qui y étaient...

Qu'ajouter sinon qu'aux Granges (il n'y en a qu'une maintenant, mais le pluriel reste de mise, car c'est un esprit, l'âme du festival), la convivialité se vit en toute simplicité : les organisateurs, Fanny et Pascal, trouvent toujours le moyen d'accueillir les amis, de discuter un moment, et Pascal, ce qui est très apprécié, de nous présenter sur scène les artistes invités et de donner des nouvelles du festival et de leurs projets. Et malgré cette simplicité apparente, les prestations sont très « pro » : déjà la comm est très belle (programmes et affiches faits par eux), et puis le son et la lumière sont impeccablement réglés, le décor de la grange soigné, l'accueil pratique (buvette etc) sans faille, par des bénévoles dévoués et sympa, les horaires de début de soirée respectés.

Et ensuite, ensuite, on laisse faire les artistes...

C'est ce qu'on aime ici, et ce pourquoi on y revient.

Merci à vous pour tout qu'on a vécu encore cette fois, et à l'année prochaine !


Photos Cath