jeudi 26 février 2009

Allain Leprest

Allain Leprest à Nancy ! Deux ans que j'y pense, depuis qu'un copain me l'a fait découvrir (merci JPK !) : avant, je ne connaissais pas ; mais après, je n'en ai plus décroché. Leprest, c'est comme ça, on se le transmet de bouche à oreille, d'amis en copains qui aiment le verbe et la chanson : c'est une langue belle, une écriture si forte, que l'on en est touché pour longtemps.

Mais Allain a dû faire une pause forcée, prendre le large quelque temps... Et il revient à la scène, et il vient à Nancy, à l'Ostra ! Alors cette soirée-là, ce 21 février, il pouvait bien se passer tout ce qu'on veut ailleurs, rien ne me l'aurait fait manquer.

Grande soirée en vérité, car le petit peuple de ses fans (le mot est sans doute inapproprié, mais c'est l'idée) est si heureux de l'accueillir en Lorraine, qu'on l'entoure de plusieurs artistes locaux, pour en faire une soirée généreuse et conviviale, dont on se souviendra.

Alors nous avons eu la poésie toujours fraîche et belle de Jilber et Elise, avec de belles découvertes, de nouveaux morceaux. A suivi l'humour sympathique de Martial Robillard, accompagné un instant par Marcel Van Dam, pour une chanson ancienne délicieuse, et Jean-Phi qui chante pas mal du tout. Et puis le groupe "Tournée Générale" a interprété avec une belle énergie des chansons de Christian Paccoud : Paccoud, encore un sacré bonhomme, ici on l'adore, ça fait plaisir de retrouver ses chansons, par un groupe jeune et plein de fougue.

Et Leprest ? Il arrive, discrètement, du fond de la salle ; tout courbé, il marche et monte l'escalier avec difficulté, au bras de son musicien. Chacun retient son souffle, avec respect et un peu d'appréhension...

Et puis il entre en scène et commence, accompagné au piano :

« J'ai laissé un sac de billes noires
Le grincement gris d'une armoire
(...)
Une tartine de compote d'oranges
Tombée du côté où ça s'mange
Toutes les tartines du monde entier
Tombent toujours du mauvais côté
(...)
Dans le jardin de mes parents
A Mont-Saint-Aignan, près de Rouen »


Et il est transfiguré : ce n'est plus un petit homme voûté, à son micro il est debout, il est grand, le regard brille, il est beau ! Quel interprète ! La voix est un peu râpeuse - elle l'a toujours été - elle se fait plus douce peut-être, mais bien assurée, et elle véhicule si bien les mots choisis. Quels textes ! On les connaît mais on se régale de les entendre de la bouche de leur auteur. Ils sont mis en musique, mis en valeur, avec évidence, par Romain Didier souvent, d'autres aussi dont Léo Nissim, le magnifique pianiste qui l'accompagne ce soir avec talent et une belle complicité. Allain a une qualité d'interprétation que je découvre, je suis habituée à une écoute plus austère, en disque. Il a une belle gestuelle, dosée, fine, pleine de sens. Son regard pétille, il fait passer la passion, il est tellement dans chaque chanson qu'il nous y plonge avec fascination. Il a une présence impressionnante, dégage une énergie douce, qui nous gagne. Je l'écoute avidement, je ne vois pas passer le temps.

Bien après, Florent me dira qu'il a fait plus de 20 chansons, j'ai du mal à le croire tant sur le coup elles ne sont pour moi qu'une seule, que je bois.

En y repensant je retrouve les titres, et c'est vrai : de "Mont Saint Aignan" à "Mec", on retrouve "Je viens vous voir", "Good bye Gagarine", "Donne-moi de mes nouvelles", "Nu", "Il pleut sur la mer", "Y a rien qui se passe", "Le temps de finir la bouteille", "Le mime", "Chanson plouf", "Bilou", "La retraite", "Un gamin laid", "Saint Max", "Le père La pouille", "Ton cul est rond", "Je ne te salue pas", "Combien ça coûte", "Sacré coco", "La gitane", "C'est peut-être Mozart" (dans un bel ensemble avec le groupe Tournée Générale). Et j'en oublie peut-être...

(Etonnamment pas de chansons du nouvel album, sorti le mois dernier : mais un nouveau spectacle est en préparation, à partir d'avril.)

Quelle performance ! Et tout cela sans un trou (sauf une toute petite fois, repris avec humour et vite corrigé), sans une hésitation, sans un verre d'eau ni une pause. Toujours les yeux dans les yeux avec le public... Et l'émotion passe, comme une lame de fond, tranquille, bouleversante.

« Nu, j'ai vécu nu
Sur le fil de mes songes
Les tissus de mensonges
Mon destin biscornu
Mais nu, je continue
Mon chemin de tempête
En gueulant à tue-tête
La chanson des canuts
Nu, j'avance nu
Dépouillé de mon ombre
J'voulais pas être un nombre
Je le suis devenu ...»

Le verbe se fait parfois gourmand, coquin, pour dire l'amour, joyeux, rond et généreux :

« Ton cul est rond comme une horloge
Et quand ma fatigue s'y loge
J'enfile le temps à rebours
Je mate l'heure sous ta jupe
Il est midi moins deux minutes
Et je suis encore à la bourre... »

Il dit des heures plus dures, le destin cruel, aussi :

« Il pleut sur la mer et ça nous ressemble
De l'eau dans de l'eau, c'est nous tout crachés
Et nos yeux fondus au coeur de septembre
Regardent rouler des larmes gâchées
Curieuse avalanche
Sur la Manche... »

Leprest est au plus près de chacun : c'est ton pote... avec tellement de talent pour le dire !
A la fin, c'est palpable, on ressent quelque chose entre l'amitié et le respect, l'amour et l'admiration. Le public se met debout d'un seul homme, pour l'exprimer comme il peut... et puis se rassied, pour écouter en rappel "Mec", par Allain, seul, a cappella, touchant de vérité, tellement humain :

« Mec, tu dis jamais rien et moi je cause, je cause
Quand j'ai rien à te dire, je te parle de tout
J'fais comme si ton silence racontait la même chose
On préfère les muets quand on a du bagout
On se vend les questions et les mensonges avec, mec ... »

Nouvelle ovation, avant de le laisser... mais pas vraiment : on emporte avec soi cette émotion pour longtemps...

Merci Monsieur Allain Leprest, portez-vous bien. On reviendra vous écouter !

Cath
02 2009

PS : photos Cath : on fait ce qu'on peut, avec si peu de lumière, hélas !
Sinon l'Ostra est une salle très agréable, très conviviale.

Quelques vidéos ici, de qualité très moyenne, mais c'est pour le partage :

- "Saint Max"
- "Nu"

- "Le temps de finir la bouteille"
- "C'est peut-être Mozart"



vendredi 20 février 2009

Longueur d'onde


Génial, non ? J'aime beaucoup cet article.

Il est de Serge Boyer. C'est l'édito du magazine musical "Sur la même longueur d'ondes" de ce trimestre.
Je salue son auteur, et la revue car c'est une mine de chroniques, interviews, infos, articles divers sur la musique. Je ne lis pas toujours tout, mais j'y trouve toujours quelque chose !
Et l'humour et un zeste d'impertinence en plus : j'aime bien aussi l'article de fin de revue, de Jean-Luc Eluard, sur le progrès... qu'on n'arrête pas, bien sûr !

Cath
02 2009

dimanche 15 février 2009

Balade aux Bosquets

Balade pré-printanière dans le parc du château de Lunéville, « les Bosquets ».


Les premiers rayons de soleil sont bien pâles, mais si attendus... On ne résiste pas à leur appel !

Ils n'ont pas tout fait fondre, le sol est gorgé de froid encore, l'air aussi. Les ombres sont longues, et la lumière douce...
L'après-midi frémit et s'étire, comme nos pas.

« La nuit couvrant son visage d'un voile », statue de Barthélémy Guibal pour Léopold (1720 environ).

Un banc invitant...

Quelques suspensions dans un arbre : art contemporain...« comptant pour rien », commentent mes gamins facétieux !


Les travaux de restauration du château pour tourner la page de l'incendie avancent, ils devraient s'accélérer en 2009 pour se terminer en 2016.





« Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme... »
(Verlaine)

Photos : Cath
février 2009


lundi 9 février 2009

Alter ego

Bien sûr, on est différents. Toi, et moi. Et tous les autres.

C'est le sort des humains, d'être en quête infinie, éperdue, d'un alter ego... et de ne jamais le trouver.

Ce serait si bon, d'être enfin compris, entièrement, d'emblée. C'est un rêve toujours recommencé.

Mais chacun ne voit le monde que de l'intérieur de sa peau, de ses yeux, de ses tripes. Et l'autre est toujours autre.

Alors pour se rencontrer, il faut s'expliquer, s'écouter, s'appliquer. Comme on peut, et bien imparfaitement.

Et parfois, le temps d'un rêve éveillé... ou plus durablement, on le touche du doigt. Un autre qui nous comprend. Que l'on comprend.
Avec et malgré nos différences, entrer en résonance.

C'est une lumière dans la nuit, une flamme, un feu qui luit ! Alors on le protège, on le nourrit, on souffle dessus pour le garder.

Tout est si froid quand il s'éteint...

Ou bien c'est une étoile qui vient de naître : elle brille pour longtemps ! Même à travers pluie, nuées et brouillard... Mais j'aime mieux les nuits claires, au ciel étoilé.

Cath
01 2009


Photo : Luc Viatour, Les Pléiades
(Merci Luc, pour ces clichés toujours si magnifiques !)