vendredi 13 avril 2007

Petite bougie



Petite bougie s'est éteinte au matin.

Longtemps déjà qu'elle allait à petit feu, à petits pas...
Longtemps déjà qu'elle ne courait plus toujours devant, toujours vaillante, toujours battante.

Longtemps déjà, elle a trop souffert, trop aimé, trop pleuré.
« Quelle connerie la guerre ! » et plus encore. Celle-là, la dernière, lui a volé son époux, son bonheur, son coeur.
Une satanée bombe, au bord d'un train. Fallait pas être là. Là ou ailleurs.
« Quelle connerie la guerre... »
Pas le temps d'aimer. Plus le temps de penser, à peine le temps de pleurer. Une gamine de deux ans à élever. Des jours et des jours devant.
Alors elle s'est relevée, a travaillé, toujours devant, sans trop penser, toujours battante.

Petite bougie quelquefois vacillait.
Une petite santé, pas bien vaillante, des malaises inexpliqués qu'ils disaient. La gamine tremblait : plus de père, et une mère pas bien costaud... il faut qu'elle dure, la petite mère, il faut qu'elle tienne !

Alors petite mère a tenu. Elle a duré, a enduré, sans gémir ni pleurer.
Elle a élevé sa fille, son trésor, l'a vue grandir, s'épanouir et puis partir, par amour, pour l'homme de sa vie, vers un pays de soleil où est né un petit garçon.
Ils sont revenus. Le petit a grandi : petit garçon, grand garçon, jeune homme.

Petite bougie était toujours vaillante, s'occupait de sa vieille mère... l'a vue partir à 99 ans : petit garçon a perdu sa mémère.
Petite bougie a tenu le coup, a duré... toujours devant, sans sourciller.

La famille s'est agrandie : petit garçon devenu un homme a eu deux garçons. Petite bougie avait toujours le sourire en les voyant.

Mais peu à peu, les années sont devenues lourdes à porter. Petite bougie s'est affaiblie, a eu besoin de l'aide des siens, toujours vaillante mais moins devant. La flamme a cillé, vacillé plus d'une fois, puis s'est relevée. Sa fille était toujours là, à ses côtés.

La dernière année, la flamme était de plus en plus tremblante et ténue... Il semblait qu'un souffle pouvait l'éteindre... Mais le regard de braise restait parole et espoir, envie de vivre, douce et ferme ténacité.

A l'aube de ses 99 ans, le destin l'a rattrapée, l'a fait fléchir et faiblir, diminuer, irrémédiablement. N'être plus qu'un regard, un sourire, une main fébrile qu'on serre fort...
Des semaines de langueur...
Quelques jours d'un dernier soubresaut vers la lumière : c'est Noël et la lumière est partout, chante et danse et rit...
Petite bougie de plus en plus immobile a lui une dernière fois, dans l'espoir du soleil... mais si pâle et si faible... si pâle et si faible...

Elle s'est éteinte au matin, le lendemain de Noël.

...



Elle reste dans nos coeurs...
Son sourire comme une lueur.



A Mémère Simonne,
1908/2006.

6 commentaires:

Réverbères a dit…

Bon Papa Grand-Père
Quand tu seras mort
Au fond de la terre
Vivras-tu encore ?

Mon petit bonhomme,
Au-dessus de moi,
Plante un grain de pomme
Et il fleurira.

(Raphy)

Et les fleurs d'avril sont là pour nous montrer que le poète a raison…

Cath a dit…

Merci Réverbères !
La vie, la mort, la terre, les fleurs, c'est toujours lié...
Une très belle chanson de Raphy (pléonasme).

Anonyme a dit…

Un bel hommage à votre Simonne...

Moi, tu le sais, je pense que ta petite bougie se réchauffe maintenant au grand feu, en pleine lumière...

Anonyme a dit…

"Petite bougie" ne s´est éteinte que pour mieux se réchauffer au fond de vos coeurs "

Evelyne

franck a dit…

... Bel hommage
Simonne s'en est allée... et vous, vous êtes tous arrivés malgré tout... C'est un Noel que je ne suis pas prêt d'oublier !
C'est de très jolis mots que tu as eus pour Mémère Simonne en tout cas !

Anonyme a dit…

Vraiment magnifique Cath, on sent tout l'amour et l'admiration que tu avais pour elle.
Bravo !