lundi 9 avril 2007

Impressions du soir



C'est l'heure entre chien et loup qui me retourne.
Le jour nous échappe, mais ce n'est pas la nuit encore. De la terre monte une fraîcheur, un frisson l'accompagne et me surprend.
Une inquiétude diffuse me parcourt. Sur le qui-vive, je passe de l'agacement à la fébrilité. Mon ouïe capte les bruits avec acuité, ils me semblent prendre une ampleur particulière.
Autour, tout bouge, tout palpite et tout s'agite. C'est l'heure du retour des champs et de la ville, de l'école et du travail. C'est l'heure de cesser son activité de la journée, qui avait pris son essor depuis le matin, et la rupture du rythme, qui devait me soulager, m'ouvre à plein de questions, de choix, de priorités. Est-il encore temps de ...? Ce qu'il faut faire avant demain, ce qui ne peut pas attendre, ce que j'ai à terminer, ce que je reporte...

Les ombres s'installent, s'étirent et s'étalent. Le temps raccourcit et s'esquive. Il fait bleu sombre.
C'est l'heure où les enfants sont fatigués. Bébés ils pleuraient. Maintenant ils soupirent ou ronchonnent, se chamaillent... Inspire. Sourire, un regard, quelques mots : ils se lâchent un peu, me racontent, se racontent. Sourire. Pause. Profiter de ces moments de tendresse, de ces histoires éphémères d'école et de ballon, de devoirs et de copains, de petits bouts d'hommes. Mon grand, petit jeune homme, est plus secret maintenant : il se prend pour un ado, va le devenir, l'est presque déjà...

Trahison du temps qui file: il est l'heure du repas, puis du coucher, déjà.
La nuit est tombée ; il fait noir franchement à présent. J'aime autant ça, je m'apaise.
Le rituel du coucher des enfants : on le fait un peu durer, c'est si doux. Un moment câlin et complice avant leur nuit.

Notre soirée... Tu es rentré et je ne t'ai pas beaucoup vu. Un temps pour nous. Pour se voir, se dire, se toucher. Parfois vaquer, chacun, à ses à côtés, ou ses essentiels. Se recentrer ou s'évader. Lire ou écouter. Regarder, ensemble. Parfois écrire, ou parler. Ou faire ce qui est à faire, les choses du quotidien. Et puis des messages : un brin de causette, un mot gentil... Un courrier à faire, un petit boulot d'assos... Des soucis aussi, un ami dans la peine... Un ami qui revient, ça va bien.

Je savoure cette soirée, traîne un peu. Les questions se dissipent, les doutes aussi. Insensiblement mais sûrement, la fatigue me pose son poing de plomb sur la nuque ; je suis toute engourdie, alourdie, ralentie. Envie de tendresse. Tu es tout près de moi ; je te cherche, je te touche ; ta main se fait caresse ; je fonds. Mon cerveau est en veille et ne commande plus. Le corps sait...
L'amour fait le reste, nous plonge dans la nuit avec délice.

Printemps 2006.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau texte...

Tu y dévoiles ton intériorité, chose que tu ne fais pas forcément dans une conversation (c'est bien normal...)

Tu es une personne belle.

J'ai un peu de vague à l'âme en te lisant, car je mesure ce que je n'ai plus, et que je n'ai d'ailleurs jamais vraiment eu à mes côtés...

Lili-Geneviève a dit…

Ce texte, ce moment de toi, je l'ai toujours aimé et je le relis toujours avec cette même douce émotion.
Merci...Grain de sel (dois-je t'appeler ainsi? :-P )

G.XXX

Cath a dit…

Grain de sel ? humm, plutôt Cath je préfère !
Merci pour vos mots si gentils, Véro et Geneviève !

Réverbères a dit…

Ces impressions du soir sont tellement pleines !

Pleines de vérité, pleines de vie, pleines de tendresse, pleines d'émotion, pleines de confiance, pleines…

franck a dit…

Très belle façon de nous ouvrir les portes de ton blog ! Superbe texte, en effet, un des rares dont tu nous avais fait profiter à l'époque...
Très heureux que tu aies franchi le pas... Merci Cath !