Je ne vous parle pas de la Chine, civilisation multi-millénaire d'où nous arrivent aujourd'hui des cargaisons entières d'objets de consommation flambant neufs et rapidement jetables... mais de l'envie de chiner, qui pousse les promeneurs de tout âge à sillonner villes et villages, en quête de foires aux puces, brocantes et vide-greniers, dès les premiers beaux dimanches, du lever au coucher du soleil.

Le promeneur de l'aube est un collectionneur. Celui-là sait ce qu'il cherche. Au petit matin frais, il marche vite, parcourt les rues d'un stand à l'autre d'un bon pas, guettant des objets précis, ou un indice qui y fasse penser. Pressé et méthodique, il n'hésite pas à demander ce qu'il vise, ou même à fouiller dans ce qui n'est pas encore déballé, en quête d'une perle rare : fèves, pichets en étain, vieux jouets... très précis pour certains, comme les tracteurs, ou les camions de pompiers par exemple. Parfois la pioche est bonne : alors l'achat est rapide, il discute un peu le prix mais pas vraiment, trop heureux de sa trouvaille ! Parfois il ne trouve rien, alors il passe et repasse, et puis s'en va une foire plus loin, vers un autre espoir...
Le promeneur de la matinée est un acheteur. Il veut trouver des objets pratiques à bas prix. Il vient en famille, prend le temps d'examiner, discute les prix mais achète de tout : casserole ou jouet, lampe, outil, fer à repasser ou sac de plage, pourvu que ce soit encore utilisable. Celui-ci marche moins vite, il regarde presque tout. L'achat-plaisir peut le tenter aussi, mais il doit surtout avoir l'impression de faire une bonne affaire.
En fin de matinée, le soleil plombe un peu, les appétits s'aiguisent, les rues se vident.
L'après-midi, pas trop tôt, arrivent en nombre et par vagues successives, les promeneurs juste promeneurs. Ceux-là viennent sans trop savoir pourquoi, pour voir, pour l'ambiance. Ils prennent leur temps, rencontrent des amis et connaissances, passent d'un étalage à l'autre presque distraitement. Ils sont en famille ou en couple, beaucoup de jeunes en amoureux. Ils peuvent acheter un peu n'importe quoi, pour s'amuser ou faire plaisir, à leur belle ou à un enfant : un jouet ou un livre, un bijou, un tableau. Ou bien ils n'achètent pas, mais ils font une sortie, ils déambulent, ils sont là : c'est près de chez eux et ils n'auraient pas voulu louper ça !
Parmi eux et tout au long de la journée, quelques promeneurs-rêveurs. Ils regardent ici et là, en quête d'un coup de coeur. Tout ce déballage, c'est du remue-méninges... Ils n'achètent pas forcément. Mais parmi tous ces objets anonymes, poussiéreux, délaissés, quelque chose parfois leur parle, leur évoque un souvenir, leur provoque un attendrissement. Ils tombent en arrêt devant, sourient, le touchent, l'observent, et laissent remonter les souvenirs...
Je suis de ces promeneurs-là. Mes attendrissements du jour, quelques remontées dans le temps, les voici :

Des francs ! ça me semble déjà loin, la période d'avant les euros, pas vous ? ça me fait tout drôle d'en revoir, et de trouver ça drôle, car en fait c'était hier, ou presque !

Des jouets de petite fille, semblables à ceux que j'avais...

Des jeux de 7 Familles ! Quelles bonnes parties on a pu faire avec ce jeu !.. surtout qu'à la fin il y avait toujours un petit malin, joueur de mauvaise foi, profiteur, qui raflait tout ; ça nous faisait bien rire !

De la vaisselle comme celle de ma grand-mère, de la faïence avec ces motifs bleus-verts...

Des objets qui m'ont toujours intriguée : le tire-bouchon et le casse-noix, car moi je n'ai jamais pu ouvrir une bouteille ou casser une noix avec ce type d'outils... et le sucrier-doseur, découvert chez une amie de ma mère qui en avait un, je le trouvais magique étant gosse !

Proches dans le même carton, des lectures éternelles : des livres qui parlent des animaux, chacun à leur façon, mais aussi et surtout des hommes...

Hamilton ou la mise en scène des rêveries des jeunes filles de ma génération... Complètement démodé aujourd'hui, mais pour nous c'était esthétique !

Des disques qui datent un peu... mais comme leurs interprètes étaient jeunes, comme ils étaient beaux !
Et rien que de lire les titres sur les pochettes, ça chante dans ma tête!
...
Et vous, quel promeneur, quel chineur êtes-vous ?