dimanche 30 mai 2010

Turner au Grand Palais


Turner et ses peintres, au Grand Palais

Voir les oeuvres de Turner, regroupées avec des toiles des peintres qui l'ont inspiré, me donnait bien envie d'aller visiter cette exposition à Paris.

Le Grand Palais est un écrin de choix pour cette rétrospective. Dommage, l'événement touche à sa fin lorsque nous y allons, et les galeries sont très fréquentées, ce qui gêne un peu pour voir les oeuvres exposées. Mais ça vaut le déplacement tout de même.


Turner (1775-1851), j'en connaissais quelques tableaux, mais je le confondais parfois avec d'autres peintres, et je souhaitais mieux le découvrir. Des thèmes classiques, une belle lumière diffuse, une atmosphère particulière, voilà l'image que j'en avais. Ce n'est pas loin de la réalité, mais c'est à affiner.

En effet Turner s'inspire beaucoup de grands maîtres, des peintres classiques, mais il revisite chaque thème, chaque style, et en fait quelque chose de différent, original, étonnamment moderne par son expressivité. Classique, romantique par périodes, pré-impressionniste ? Turner est inclassable.


Qu'il peigne des paysages ou des marines, il est en recherche constante de rendre la lumière, et à travers elle, le mouvement, la vie. Turner y travaille avec acharnement et passion. Peintre génial reconnu très tôt, il se lance constamment des défis, se mettant en rivalité avec ses maîtres, les peintres qu'il admire, et ses contemporains. Aussi l'exposition suit-elle l'idée même de l'artiste, qui souhaitait offrir ses tableaux à la comparaison.


Parmi ses maîtres ou inspirateurs, Rembrandt, Watteau, Titien, Poussin, et surtout Claude Gellée dit Le Lorrain, qu'il admire beaucoup. Et des Italiens peignant Venise, comme Giovanni_Antonio_Canal dit Canaletto, à la peinture si précise de l'architecture vénitienne.


Turner voyage beaucoup. A cette époque d'avant la photographie ou autres sortes d'images modernes, la peinture est le témoignage de ce qu'on a vu, de ce qu'on découvre à l'étranger. Turner est très inspiré par Venise : il n'y passe que quelques séjours, quelques semaines, mais en peint de multiples croquis et toiles.


Les paysages de Turner sont imposants, impressionnants. Turner ne rend pas qu'une image immobile, il peint le mouvement, l'événement, l'action : la mer est en tempête ou les marins en difficulté, les montagnes sont écrasantes ou montrent une avalanche.


La technique est au service du rendu recherché : pour l'avalanche, la peinture est posée au couteau pour rendre les masses de neige.


Turner est le peintre de la brume, spécialiste pour rendre avec talent le « rien », la vapeur, par petites touches de couleur infiniment retouchées, parcellisées, superposées, éclairées de blanc et de lumière, presque jusqu'à l'abstraction, comme dans ce tableau « Pluie, vapeur et vitesse » , où il dénonce la violence de la révolution industrielle...


... Ou cet étonnant « Paysage avec rivière et baie au loin », où le spectateur est invité à deviner, à reconstruire lui-même le paysage dans la brume.


Mais le chef d'oeuvre de l'exposition, celui qui nous fait venir, et devant lequel on reste ébloui, c'est cette « Tempête de neige en mer », que Turner aurait vécue dit-on, en se faisant attacher au mat du bâteau pour rester sur le pont et ne rien louper du spectacle. C'est peut-être une légende, Turner aimait se mettre en scène et on peut douter de l'anecdote... Mais cela n'enlève rien à la forte impression que laisse cette toile, tellement le rendu de l'eau, de la vapeur d'eau, du mouvement des éléments déchaînés où se débat le bateau est saisissant. On a presque le vertige de ce mouvement tournant, la mer tourmentée nous prend et nous fascine, on tremble pour la coque noire qui paraît comme avalée par les flots, et cependant on est ému par la lumière d'espoir de la couleur éblouissante de la voile, et par tant de finesse dans la diversité et le rendu subtil des couleurs.




L'idée de montrer d'autres oeuvres dans cette exposition est intéressante : la comparaison des toiles de Turner avec celles des autres peintres est toujours à son avantage : les autres tableaux paraissent fades, classiques, figés... là où les siens sont émouvants, nuancés, modernes, impressionnants, éblouissants !


Allez voir ici et là pour voir ceux des autres et vous faire une idée si vous voulez, (Internet le permet), car je n'ai exposé ici que les tableaux de Turner, les plus beaux !

Cath

mai 2010


Tableaux de Turner :

  1. Pêcheurs sur la page de Calais

  2. Auto-portrait

  3. Pêcheurs en mer

  4. Didon construisant Carthage

  5. Regulus

  6. Venise

  7. Venise Grand Canal

  8. Avalanche dans les Grisons

  9. Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants

  10. Pluie vapeur et vitesse

  11. Paysage avec riviere et baie au loin

  12. Tempête de neige en mer

6 commentaires:

Réverbères a dit…

Émotion, nuance, modernité, impression, éblouissement… ce sont les mots qu'il fallait.

Je ne connaissais pas Turner. J'imagine que ses toiles en vrai donnent mieux encore que sur blog. Mais le mouvement et la lumière sont enivrants !

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas les autres toiles que celle figurant sur une certaine carte postale.
Mais comme je suis sensible à ces tableaux -et à ces photos- où l'horizon de lumière , quand ce n'est pas l'horizon de la détresse, se confond avec l'horizon de la terre, ou celui plus humble du bateau malmené . De cet ensemble , rien ne laisse échapper la lumière ou l'ombre menaçante.
Je vais être bien insolent et fat : c'est ce que voulait Cézanne en peignant et repeignant gngngn fois la montagne Sainte Victoire.
Il aurait du choisir un autre sujet ; ou alors, très fort et très audacieux, il a voulu tenter l'impossible.

Yves a dit…

L'oeil vif,alerte et lucide...c'est Cath...je la connais .
Et je la reconnais dans cette chronique où la beauté des oeuvres du peintre est mise en valeur par des mots coups de coeur.
Merci pour cette visite...
Yves

Anonyme a dit…

C'est vrai que nous l'avons parcourue assez vite cette expo, le train qu'il ne fallait pas rater... et comme tu le soulignes beaucoup de monde devant ces superbes toiles. Turner à l'instar de Rembrandt est vraiment "le" peintre de la lumière. Je suis heureuse d'avoir pu faire cette expo entre filles, entourée par toi Cath et Hélène. Et cette fameuse tempête, grandeur nature, qui nous a subjuguées. Un beau et bon moment à rééditer pour d'autres expos et/ou concerts, merci de l'avoir fait revivre au travers tes mots Cath et avec ces superbes images.
Fanny

gicerilla a dit…

Ah mais voilà un article bien documenté. J'avais envie de voir cette exposition et la lecture de votre article ne fait que renforcer cette envie. Merci.

Cath a dit…

Bonjour Gicerilla, bienvenue ici, et merci. Je suis allée à la fin de l'expo, il y avait du monde ; je crois qu'il ne faut pas reporter l'envie d'y aller dès qu'une exposition commence, et dès qu'on peut !