jeudi 13 septembre 2007

Campagne


Plénitude et sérénité : ce sont les mots qui me viennent, à la vue de ces balles de foin pleines et rondes, ou à la vue de champs cultivés, moissons et récoltes, haies et prairies, campagne.
Campagne : le mot est dit, j'aime la campagne.
Pourtant j'ai aimé la ville, passionnément ; un temps. Mais la campagne, l'espace, la proximité de la terre, me sont vitales, depuis toujours je crois.
Elle a un goût d'enfance.
Enfant j'habitais le bout du bout de la commune : après nous à Saint Aubin il y avait quelques maisons, et les champs, la route des crêtes. C'était un terrain d'aventures inépuisable. L'été le foin était en bottes, on en faisait des murs, des cachettes, des batailles... Il y avait Rémi, l'ami-frère : Rémi était plus qu'un copain, il était chez nous pendant le travail de sa mère, à l'époque la mienne ne travaillait pas, il avait deux ans de plus que moi, pour nous, deux filles, il était le grand frère rêvé ! Il partageait tous nos jeux. Il y avait Isabelle, la petite fille de la voisine, avec qui on jouait aux jeux de filles. Il y avait Alain et Jérôme, les voisins de l'autre côté, toujours prêts à faire une cabane, un jeu de ballon ou une bataille d'eau ! Il y avait Milou, le chien de Monsieur et Madame G., qui avaient aussi des lapins : avec eux on promenait Milou, on allait aux champignons, à l'herbe aux lapins. Avec les garçons on faisait les pitres dans le foin ou la paille, on découvrait des jeux interdits : qu'avec une loupe et un rayon de soleil, on peut allumer quelques brins de paille, par exemple... On apprenait à siffler avec une herbe entre les pouces joints. On prenait un seau, on allait aux mûres, bien décidés à en rapporter à nos mères pour des confitures : mais sur le chemin du retour, on mangeait tout ! Et on rentrait avec des sourires bleutés...


Adulte j'ai retrouvé ces sensations, ce contact, ces odeurs d'herbe et de terre, en randonnant. Marcher pour découvrir des paysages, une colline après une autre, un bosquet, une prairie, un chemin : être dedans.


Et puis y vivre, choisir d'habiter ici plutôt qu'à la ville, dans ce village tranquillement assis sur sa plaine, entre rivière et forêt, quelque part en Lorraine.
Thiébauménil, c'est Theobaldus Mansus, le manse de Théobald. Le village est habité depuis l'époque romaine.
Il y a 10 ans que nous y vivons. Une maison retapée rénovée remaniée, mais enfin, habitée depuis presque 300 ans ! En tout cas pour ses murs extérieurs. Voilà qui rassure et enracine. Je me plais à penser que les anciens savaient construire : les murs épais et mitoyens protègent du froid l'hiver et de la chaleur l'été, isolation et climatisation sont superflus. Les crues de la rivière s'épandent régulièrement deux à trois fois par an dans les prés à l'arrière des jardins, elles affleurent juste à la limite des terrains.


Il fait bon vivre ici.
Oh, bien sûr, tout n'est pas idéal. Comme partout, on rencontre les désagréments d'ici ou là un mauvais coucheur, voisin bruyant ou habitant grognon, médisance ou indiscrétion... Mais si rarement qu'on l'oublie. Et l'on y rencontre bien plus souvent gentillesse et sourire, convivialité et bonne humeur, petits et grands services rendus, au quotidien ou dans la détresse : échange de légumes et fleurs du jardin, entraide entre voisins... Lors de la terrible tempête de 99, quelques hommes sont montés sur les toits remettre toutes les tuiles en place : il n'a pas fallu de couvreur !
Je ne connaissais pas ça en ville. C'est une communauté. Elle a ses rites de rencontre, ses traditions qui rythment l'année : voeux du maire, galette des rois, brocante, quiche républicaine et feux d'artifice du 14 juillet, fête foraine, St Nicolas... Tout le monde n'y participe pas, on ne va pas à tout, mais on sait que c'est là... comme le cycle des saisons.
Comme les amis : on se voit, parfois moins, de loin en loin... Mais on se retrouve, avec bonheur.
Thiébauménil : nous n'y vivrons peut-être que quelques années, le temps de l'enfance de nos garçons, qui grandissent...
Nous irons peut-être ailleurs, qui sait ?
Mais ces années ici seront inoubliables.


Cath
septembre 2007


Crédit photos :
Auvergne et champ : CGP
Thiébauménil en été : BD
Thiébauménil vu d'ULM : JCG
Merci !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tes textes me font de plus en plus pleurer ma Cath ! je sais bien ce n'est pas le but, mais quand on se sent fragile l'émotion dégagée par tous ces mots si bien tournés envahit tout et la gorge se serre.
Oui que c'est beau la campagne
que c'est bon le bonheur.

Cath a dit…

Faut pas, non, faut pas...
mais je vois bien ce que tu veux dire, et ça me touche beaucoup.