mercredi 25 juillet 2007

ROUGE COLERE


Recrutée parmi 40 candidats, confirmée après deux mois de période d'essai, une amie, assistante de direction, est virée à l'issue du troisième mois, pour d'obscures raisons de redéfinition de poste : remaniement pour rentabilité maximum sans doute. Elle cherche à comprendre... et à retravailler.
Victime de harcèlement pendant des mois, sans trouver d'aide si soutien de la hiérarchie, une amie-collègue, secrétaire, fait un infarctus à 50 ans. Souffrance, peur, un ressort cassé, et des mois pour s'en remettre.
Un ami, cadre depuis plusieurs années dans un grand groupe, préoccupé par le mal-être que lui confient les personnes qui travaillent avec lui et par la gestion de la société, l'évoque lors d'un entretien (non public) avec le DRH : accusé de dénigrement de l'entreprise, viré pour faute grave, sans préavis ni indemnité. Cassure, état de choc. Des mois pour se remonter, se reconstruire, croire à nouveau en soi et en l'avenir.

Et des exemples de précarité... je ne peux les citer tous tant j'en rencontre. Ils ne touchent pas qu'un public jeune, encore bohème, dans le provisoire d'une insertion professionnelle à construire. Non, la précarité gagne toutes les tranches d'âge, et les profils les plus variés : un ami qui écrit des articles pour un journal, félicité pour la qualité de son travail, est payé à la page, sans contrat ni statut.
Une jeune femme qui sort de galères, qui a trouvé un «emploi aidé» de standardiste, doit l'arrêter car tous frais déduits, elle gagne moins qu'en percevant le RMI.
Un ouvrier de 57 ans, au chômage ; trop jeune pour la retraite, trop vieux pour être réembauché.
Un jeune homme de 28 ans, horticulteur, salarié depuis 10 ans, apprécié dans son travail, est payé au SMIC. Il ne peut régler ses charges de logement et sa facture d'électricité. Quand il demande timidement une augmentation, pour le faire taire on lui montre la porte.

Ecoeurement, tristesse et révolte. Rouge colère !
Je ne peux pas accepter cette logique. Incompréhension.
Du moins, comprendre, on peut : analyser, expliquer. La logique économique, la concurrence, la rentabilité... Les êtres humains ne sont que des pions sur un grand échiquier !.. jusqu'au jour où les joueurs sont eux-mêmes virés, éjectés. Mais on les remplace, et la machine repart.
Mais se résigner ? non. Rouge colère... que le système bouffe les hommes ainsi. Car le système, ce sont les hommes aussi !
Ne pourraient-ils rester humains ?
Ne pourrait-on rester humain ?
Comment chacun, de sa place, peut-il refuser l'inacceptable ?
Tendre le poing ? Tendre la main, ne pas se taire. Ne pas rester tout seul. Parler. Discuter, dénoncer. Se battre, pour soi et pour les autres. Faire, penser, construire, agir. Ensemble.
Car malgré tout, j'ai du respect, infiniment, pour le travail. Faire un travail utile, ça peut être dur, fatigant, difficile... C'est constructif, c'est noble et beau. Humain. Et ce n'est pas ringard de le dire. Ou alors tant pis, je le dis quand même. C'est dur, d'en trouver, de le faire, d'y être et d'y rester... mais le travail, j'y crois. S'il est humain.
A nous de continuer à y croire, de demander et faire qu'il le soit.
Courage, mes amis, je suis avec vous. Solidaire.


CGP
Juillet 2007

Tableau : Les raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte, 1875.

5 commentaires:

  1. Oui.
    J'ai connu la situation inverse quand j'étais employeur, et j'ai subi les provocations et manipulations de personnes qui étaient chez moi depuis des années, et surtout de leur marionettiste haineuse de la CFTC.
    Et je ne comprends pas comment l'employeur, fût-il l'Etat, ait pu avoir gain de cause dans les exemples cités ici.
    Ca vient sans doute de ce que comme don Quichotte, j'ai été trop bête.

    Le Hutin (qui porte mal son nom!)

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  2. Je ne dis pas que c'est simple pour les employeurs.
    Mais pour les employés, c'est l'angoisse du gagne-pain.

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  3. Rouge et saine colère !
    Elle est précieuse. Tant qu'il y aura des hommes et des femmes pour refuser d'être broyés par la machine, nous resterons des hommes et des femmes.

    Le choix du tableau est éloquent : on en est réduit à racler le parquet… C'est amusant - enfin, façon de parler - parce que j'ai vu dernièrement une photo qui ressemblait vachement à cette scène d'esclavage ! :)

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  4. ah oui ? tiens tiens...
    En tout cas, tu vois que je l'ai retrouvé ce tableau !

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  5. Coup de gueule sans doute partagé par un grand nombre, peut-être même le plus grand nombre. Coup de gueule salutaire. Libérateur. Rouge colère. Mais comment faire bouger les choses...? Je comprends aussi ce que nous dit le Hutin. Nous vivons dans un monde de pression permanente. Parce que nous sommes tous soumis à la compétition permanente. Tu bouffes ou tu te fais bouffer... C'est ce qu'on nous répète inlassablement, à toutes les sauces. C'est comme ça, un point c'est tout... Alors beaucoup pensent que pour vivre, il faut dominer, avoir du pouvoir... Le patron, le syndicaliste, le collègue, le sportif, ... Heureusement nous n'en sommes pas tous là, mais restons vigilant! Mais n'y a-t-il pas d'autre voies ? Est-il impensable que les hommes puissent vivre un jour dans le respect et la fraternité?... sans idée de pouvoir, de posséssion...

    En lisant ton coup de gueule Cath, j'ai repensé à ce très beau texte "le soleil est noir" de tri yann :

    Bel oiseau blanc du bout du monde
    fils de deux muets fils du pays
    rebelle semblant entre deux mondes
    Tire d'aile sanglant de quel pays
    Feux noirs sur trois abers
    Sangs noirs sur dix estuaires
    cette île est fait en pluie

    battus devant flottant bastion
    battus devant flots tourbillons
    battus battants sans pavillon
    soleil levant noir sans rayons
    Noir l'eau le feu la terre
    Noir de feu les deux airs
    le vent la brume aussi

    Mer est en brume soleil des forts
    Terre est en brune vieille diffors
    doigts sont changeants en en dix corneilles
    poissons sanglants en dix orteils
    pigeons de feu sur mer
    poisons de gueux sous mer
    cette île est fait en pluie

    morte saison sans floraison
    morte maison sans déraison
    saison perdue en oraison
    moisson perdue sans rébellion
    fenaisons en hiver
    fenaisons en désert
    grésil de fer en pluie

    discours de feux discours de veaux
    concours de peu discours des veaux
    secours de peu futiles travaux
    c'est jour de feu pour mille chevaux
    Noir langue des vipères
    noire lande de colère
    les vents les hommes aussi

    Mille malotrus , de l'épée
    Mille noirs statuts noirs policiers
    Mille points tendus dix points brisés
    Mille bras tendus pour mille années
    Cent mille hommes en colère
    mille hommes sans la mer
    sans l'âme est fait en pluie

    Morte tribu sans héritiers
    porte tribu sang à payer
    soleil fendu bois condamné
    Soleil vendu lois sont damnées
    Autant que meurt la mer
    Autant se meurt la terre
    sous peur souffert en pluie

    Jour de demain courage ardent
    Jour de sa main courage au dent
    seront les veaux perdant semblant
    seront les loups perdant cent dents
    rouge fin rouge avers
    rouge point rouge guerre
    rouge main rouge cerfs
    rouge festin rouge chairs
    rouge vin rouge bière
    le feu la mer aussi

    Merci Cath.
    Ma grand mère disait que les grains de sel faisaient cautériser les plaies...

    Alain

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