lundi 13 juillet 2009

Gabriel Yacoub au Festi-Live, colline de Sion, Lorraine

Gabriel Yacoub en Lorraine, ce n'est pas si souvent... Il y a un moment que j'attends ça, alors quand j'apprends qu'il est programmé au Festi-Live je sais que j'y serai !

Le Festi-Live en est à sa troisième édition, c'est un festival bisannuel qui mérite qu'on s'y intéresse. Greame Allwright y était invité en 2007 (oui, je sais, c'est très bien, mais je n'ai pas pu y aller, dommage, tant pis). En plus des concerts et ateliers d'initiation artistiques variés, le festival organise des conférences, rencontres et concours littéraires sur un thème : cette année, c'était « Femmes de paix ». Marek Halter y a reçu un prix pour son roman « La Reine de Saba ». Liz Mac Comb, pasionaria du gospel, y a fait chanter 200 choristes en Master Class puis en concert... Un festival qui a une âme.

Dans un lieu qui n'en a pas moins : Sion, lieu de pèlerinage et site remarquable dominant le plateau lorrain du Saintois, « la colline inspirée » de Maurice Barrès : « Il y a des lieux où souffle l'esprit... »

Et moi, en étant là-bas, mécréante comme je suis, vous allez rire, et bien je ressens quelque chose de spécial, indéfinissable : l'air est pur, l'ambiance calme, l'acoustique comme feutrée, il y a un vent doux et palpable de joyeuse sérénité... Bon, vous me direz, je me le suis peut-être figuré, car toutes les conditions y étaient, ce samedi 4 juillet, pour le concert de Gabriel : le paysage en arrivant est une merveille, avec le soleil et une lumière éclatante, dorée, en cette fin d'après-midi sur la plaine. Sur la colline, les arbres font un décor mouvant et une ombre douce, près de la scène, située juste devant la basilique.

Et puis l'accueil du festival est agréable, et je suis avec des amis, j'en retrouve d'autres en arrivant, quelques-uns au loin sont là en pensée...

Il n'y a pas encore la foule en cette heure de début de soirée. Mais pour moi, heureusement que Gabriel joue tôt : le même soir, mon plus jeune fils part en colo, je l'accompagne à 22 heures au départ du bus : une chance, je peux faire les deux !

Parmi les spectateurs installés avant le concert, je retrouve quelques amis de la chanson et des danseurs, des folkeux. La scène n'est pas inoccupée, c'est la dernière répétition des choristes avec Liz Mac Comb qui chante en s'accompagnant au piano, ils font quelques morceaux que j'écoute un peu distraitement j'avoue, même si ça a l'air très bien.

Enfin la répétition se termine, les choristes descendent et libèrent la scène, et le trio arrive, s'installant rapidement devant nous : je me demande s'ils ont eu le temps de faire les balances ? Sûrement que oui, et je ne me pose pas la question longtemps, car le concert commence. D'emblée : « Tout est là ». Gabriel aime bien commencer par cette chanson, la première de l'album DLNDC (« De la nature des choses ») : on plonge tout de suite dans le bonheur simple et d'évidence :

« Tout est là qu’on se le dise et qu’on ne cherche pas plus loin
Le bonheur est ici à portée de main à l’intérieur de nos cœurs au fond du jardin...»

C'est vrai, ne changez rien pour moi, à cette heure et ce moment, « tout est là », je ne demande rien d'autre que d'y être.


Je ne sais pas ce que ressentent les gens autour, mais pour moi ce concert est étrange, inhabituel : l'univers de Gabriel, plutôt intimiste, se fond idéalement dans des salles de spectacle où le noir, en soirée, invite au silence, concentre l'écoute. Mais là, en plein air et en plein jour encore, l'attention est dispersée par mille autres informations visuelles et auditives, et j'ai l'impression qu'il faut deux ou trois chansons avant que le concert capte tout l'auditoire.

Cependant, le répertoire de ce nouvel album se prête à la légèreté du moment autant qu'à la sérénité du lieu, les grands arbres font un beau décor autour de la scène, le soleil qui joue entre les branches pose quelques touches de lumière sur les musiciens, les morceaux s'enchaînent... et la magie opère.


Le son est superbe, celui du piano à queue de ce jour est excellent, beau bonus pour Yannick Hardouin. Le trio interprète presque la totalité du nouvel album : les deux cafés, « le café de la fin du monde » et « la belle anversoise », « il aurait dû », « un des deux en l'air », le poète et le nom des oiseaux (et j'en oublie sûrement)... C'est une chose d'entendre l'album chez soi, c'en est une autre que de réentendre les morceaux, toutes les nuances musicales et les paroles qui portent encore plus, là en direct : belle émotion, partagée avec mes amis présents.

Vers le milieu du concert, Gabriel présente « Elle disait », en parlant de certaines personnes qui peuvent nous faire penser à des anges... Au bout d'un couplet, je vous jure que c'est vrai, Notre Dame de Sion se met à sonner à toute volée : c'est l'angelus ! Le trio continue d'abord bravement, puis, vaincu par la force et la durée des cloches, ne s'entendant plus, s'arrête, dans un grand éclat de rire qui fait rire toute l'assemblée : incroyable moment, je vous dis que rien n'est ordinaire ici...


(Ma photo est floue car j'ai bougé, je riais aussi !)


Finalement l'angelus après plusieurs minutes se calme, et le concert reprend, avec d'autres moments forts : « la bougie » si touchante, métaphore de l'amour qui diffuse toujours sa lueur, même en plein jour, le solo de Gilles Chabenat à la vielle pour « Héron » et « Carmin » qui nous colle des frissons tout le long du dos, puis « Avant que de partir », chanson sereine mais pas triste, précise Gabriel : bon, il m'a fallu un moment pour l'admettre, (moi la mort, j'ai du mal), mais j'en conviens, après réflexion.


« Il n'y a pas de chansons tristes, il n'y a que des belles chansons ! » me souffle Rose, à qui cet univers parle bien.

Et puis, la chanson, ça peut aider à vivre...

Puisqu'on évoque « la nature des choses », qu'on va à l'essentiel, on n'aura que des chansons essentielles ce soir : sur la vie, la mort, l'amour. Et puisque l'on est sur la colline inspirée, pour l'amour encore ce sera « Pluie d'elle », de l'album Babel :

« Peur de blesser caresser sans toucher
L'amour est-il sacré pour qu'on l'écrive en lettres détachées ?
Avec des souvenirs des serments répétés
Les sombres amulettes et les photos accrochées au passé

Elle m'avait dit sept fois "je t'aime" en posant la main sur son coeur
Elle m'avait dit "cette fois je t'aime"
Mais le printemps a coulé le temps s'est affalé
Le long de la colline et jusqu'à la vallée
(...)

Un jour la pluie viendra j'attendrai cette pluie
Je l'aimerai encore le long de la colline comme avant
Une pluie d'elle une pluie femelle
Je l'aimerai par coeur le long de la colline pour longtemps

Elle m'avait dit sept fois "je t'aime"...
Le long de la colline et jusqu'à l'avaler...»

C'est une chanson à lire autant qu'à écouter, vous avez remarqué ? J'ai toujours trouvé que sa mélodie la mettait particulièrement en valeur, elle fait couler les vers, égrène les mots, elle parle en soi : belle alchimie entre son et sens.


Mais l'heure tourne, et le concert, déjà, touche à sa fin... Rappel indispensable : « Les choses les plus simples », à l'épure, en trio, la chanson prend tout son sens et rend toute sa vérité.

Derniers saluts, apparemment il faut tenir les horaires, alors le concert est vraiment fini... C'est trop court, mais...

Je suis clouée, ravie, rien à dire, (tout l'a été) : tout va bien.

Un drôle de petit bonhomme de 11 ans vient nous jouer d'un drôle d'instrument, d'Australie je crois : le didgeridoo. Curieux son, ce souffle étrange, ça me fait atterrir doucement.

Nous retrouvons Gabriel qui signe des dédicaces, plein, il y a la queue pour lui parler, et tous les CDs qu'il a apportés sont vendus, partis comme des petits pains ! Il est souriant, a l'air en forme, heureux d'être là.

Et moi donc. Comme toujours, je n'ai pas grand'chose à dire, (oui oui, vous pouvez rire, c'est vrai !), mais je le dis quand même, que c'était bien, tout ça, et puis je ne dis pas grand'chose ou trois fois rien, mais on est bien, joyeux, tout va bien.


Il faut que je reparte, Gabriel aussi, et Gilles et Yannick que je n'ai pas revu, ils ont de la route...

Il paraît que le concert de Liz Mac Comb le soir était très bien, en prestation musicale et présence scénique. Sans doute, mais je n'ai pas de regret, on ne peut pas tout voir...

Et puis comme ça je reste dedans, dans le concert, longtemps après. Le soir, en rentrant, je n'ai écouté aucune musique, laissant venir ce qui était encore en moi... Et toute cette semaine, j'ai réécouté les albums de Gabriel : DLNDC, ELF, Bel, Babel... Et bien ça me parle toujours autant, et j'y trouve encore du nouveau.

Allez, je vais m'en remettre un petit coup !

« Tout est là »...


Cath

7 2009





mardi 7 juillet 2009

Dernier voyage

avant que de partir
© 2008 g y

"avant que de partir pour ce dernier voyage
plutôt que de compter tous les ans de mon âge
je voudrais partager avec qui le veut bien
ce frêle instant de gloire de frayeur et de doute

approchez vous plus près et tendez bien l’oreille
car je parlerai bas et ne redirai rien
allez chercher du vin décrochez les rideaux
ouvrez grand la fenêtre je veux le ciel encore

les fruits et les gâteaux le soleil de novembre
les voix que j’ai aimées sans toujours les comprendre
je veux me souvenir des plaisirs égarés
de mon premier amour et le goût de ses lèvres

des mains que j’ai serrées des deux mains dans les miennes
des cœurs que j’ai brisés sans désir de le faire
je garde le regret des songes que jamais
je n’ai su partager autant pour mon silence

mémoire de sagesse autant que d’inutile
de ces moments vécus entre deux espérances
à l’ombre d’une vie qui m’a bien peu appris
maintenant la lumière m’éblouit et m’appelle

fétiches emmêlés guirlandes de prières
les dieux qui ont rouillé au fond de mon enfance
ne regardent que moi ce soir je suis le roi
ce soir je veux mourir car je l’ai décidé
"


chanson de Gabriel Yacoub

A écouter ici...

Je pense à mon amour, parti pour enterrer le frère de son père, en Corse ce jour...
Je pense à François, qu'on accompagne en son dernier voyage, là-bas, dans la montagne corse, ce 7 juillet : il part entouré de l'amour des siens...

Merci, Gabriel, pour cette chanson ; et aussi pour la bougie.

Qui a dit que l'écriture de Gabriel parle à l'âme ?..

Cath
7 7 09

mercredi 1 juillet 2009

Barzingault chez Béa


Samedi matin : ambiance humide et fraîche. La météo est plutôt grisonnante, alors, après la soirée de vendredi qui a échappé aux orages annoncés, on se dit que cette fois on n'y coupera pas ! Bon, on verra... En début d'après-midi c'est du pareil au même, quand Thierry, du groupe Barzingault (« Appelez moi Barzingault 1er ! ») arrive chez Béa et Christian. On étudie tous les endroits possibles pour la scène : dedans, dehors dans la pelouse, sur la terrasse en partie couverte ? Il nous demande notre avis mais c'est lui l'artiste, à lui de décider. Après quelques tergiversations vu le ciel encore menaçant, et pour l'acoustique aussi, il est décidé que ce sera mieux à l'intérieur. Avec Béa, on recompte la liste des invités, qui n'a cessé de s'allonger : dans le salon, mais où va-t-on tous les installer ? Bon, on verra... On va serrer les chaises, et les derniers seront debout, ou assis dans l'escalier, ou au balcon sur la mezzanine...

Thierry, puis Christelle et Patrick arrivés peu après, installent la scène et tout le matériel, c'est réjouissant de parler avec eux, de les voir se mettre aux instruments : piano, accordéon et violoncelle. Ils règlent le son : ça ne prend pas très longtemps, ils sont rodés ! On a quelques extraits de chansons, et ça nous met déjà dans l'ambiance, pendant qu'on installe les tables dehors, et les sièges à l'intérieur : la maison de Béa et Christian se transforme en salle de spectacle !

A mesure que l'après-midi s'avance et que l'heure approche, le ciel se dégage, et quand les premiers invités arrivent, le soleil est là pour les accueillir. C'est déjà joyeux pour commencer la soirée ! Tout le monde salue tout le monde en arrivant, qu'on se connaisse ou non on se connaît vite un peu, artistes et invités on est là pour la même chose, partager un heureux moment ensemble.

Les arrivées s'échelonnent, on attend encore du monde, et les premiers spectateurs commencent à s'installer, alors Guillaume se met au clavier et joue quelques morceaux pour faire patienter. Il ne joue que depuis 6 mois, et le toucher du piano est différent de son clavier, ce n'est pas encore très fluide, mais je le trouve relativement à l'aise, et le public est indulgent.


Presque tout le monde est là et le top départ est donné : Thierry fait son entrée d'un côté, Patrick et Christelle de l'autre, au fond du salon : le concert commence ! Je ne saurais plus vous dire ce que Thierry nous a raconté, car j'oublie presque tout au fur et à mesure, pourtant sur le coup j'adore, je trouve ça génial, je ris beaucoup, je me régale ! Mais enfin sachez qu'il a fait le pitre comme à son habitude, à coup de calembours et autres blagues et réparties toujours originales, souvent bien senties, écornant en vrac les politiques, les stars télévisuelles, les bien-pensants de tout poil, et pas mal d'idées reçues à dépoussiérer... tout ça pour introduire ses chansons aux textes riches de sens et de références diverses : n'espérez pas tout capter en une écoute, en tout cas moi j'ai du mal, mais ça doit être fait exprès, c'est pour qu'on y revienne, avec autant de plaisir et encore plus de curiosité ! Il nous raconte Georges qui « a quarante ans / depuis au moins quinze ans... » :

« Il cultive son jardin

Loin des soirées mondaines

Où l'on refait le monde en « vin »

Chacun pour soi même... »

La parodie est dans sa nature, comme le maïs est au champ, alors Thierry nous chante le « Larzac 2080 » :

« C'était le début d'une nouvelle ère,
Du plaisir, moins de gène,
Un baiser et puis tout s'éclaire :
Dans ce champ d'OGM,
De vie plantons une petite graine »


Il nous chante une « Supplique pour être brûlé, même sur la plage de Sète », ou l'hymne au cancres, la « Cancreillaise » :

« Allons z'enfants de la fratrie
Le jour du loir est arrivé
Contre nous de la tyrannie
Scolaire, l'étendard des cancres est levé ! »


Il fait sienne la devise qu'on peut rire de tout... l'humour étant « la seule façon d'assumer ses propres contradictions ». Il nous sert ainsi les siennes pour les dépasser, et nous amuser aussi, car la musique est étonnamment festive, même quand le texte est grave entre deux pointes d'humour, comme dans les « Pensées misanthro-philanthropiques d'un sage au printemps » :

« T'as pas cent balles à m'donner
Pour aller sur Mars ?
Mes sandales sont rognées,
Je suis dans l'impasse ,
Un challenger officiel
Pour aller dans le ciel.(...)

T'as pas cent balles à m'donner
Pour aller sur Mars ?
Dans le dédale d'mes idées,
J'ai plus de comparse.
Sur cette terre j'veux plus rien,
Je suis un Martien. »

Anarchiste humaniste utopiste, rêveur désabusé, il nous envoie quelques sentences à faire rire, sur place, et à emporter pour méditer, comme celle-ci (la préférée de Béa) : « Le vrai pouvoir, c'est de ne pas en avoir, et de ne pas le subir. »


Et la musique n'est pas en reste, festive, rythmée, joyeuse, puis soudain plus grave et mélancolique... Les mélodies, soignées, convaincantes, sont dues au talent de compositeur de Thierry et celui de Patrick pour tous les arrangements instrumentaux. L'interprétation, au violoncelle (Patrick Leroux), à l'accordéon (et voix, Christelle Vigneron), piano et voix (Thierry Lhuillier), est prenante, vibrante, expressive. Le trio a trouvé sa formule, entre chanson à la fois innovante et enracinée, aux influences multiples, et musique aux accents trad, jazz ou tziganes.

Bref, on est sous le charme et on ne voit pas le temps passer, alors quand Thierry annonce la dernière chanson, je me dis que c'est un gag : mais non, il y a un bon moment qu'ils jouent ! Enfin, on n'est pas chiche, alors il y aura quelques rappels, la « grêve de la fin »... avant de passer à table pour partager le buffet de tout ce que tous ont apporté.

On s'installe par petits groupes dans tout le jardin, la soirée est belle et on a plaisir à échanger ses impressions, entre amis et avec les artistes, c'est simple et vrai, on est joyeux d'être là, il y a un petit vent de bonheur sur tout ça...

La nuit s'avance et il fait un peu plus frais, mais on reste encore là, avec un pull sur les épaules et quelques bougies pour se voir... et pour Thierry car c'est son anniversaire ! Il se fiche de ce détail, mais il a l'air d'apprécier de passer la soirée avec nous... et c'est réciproque.

Dans l'ambiance conviviale de la soirée, soudain un bruit court, une idée lancée qui se propage : Ginette a quelque chose à nous montrer ! Je ne connais pas Ginette, et je ne comprends pas bien si c'est à dire ou à chanter, mais elle a besoin d'un rythme qui l'accompagne. Un ami guitariste s'improvise percussionniste, avec un plateau en métal, et Ginette commence : c'est un slam, un texte en rimes, long et scandé, interprété avec talent et sincérité, c'est le blues de la ménagère qui aspire à être autre chose que consommatrice, épouse ou voisine aux sages apparences, qui trouve la vie exaltante et révoltante, et l'écrit et le crie ! C'est bien écrit et bien dit, applaudissements nourris pour ce monologue incroyable, émouvant, qui nous épate, la découverte d'un vrai talent.

Peu à peu chacun va rentrer vers son chez soi, les familles avec enfants d'abord, les amis et la famille de Béa et Christian en dernier, aidant à ranger... Et les artistes aussi, restés un bon moment à partager avec nous cette tranche de vie, que pour notre part, on n'oubliera pas de si tôt !

Et au fait, les orages ? Et bien, on les attend toujours !

Je vous le dis, il y a un micro climat ici, ou bien le ciel était avec nous...


Cath

juin 2009